Réseau Express Grand Lille : c’est l’heure des comptes

Publié le 24 septembre 2015

Ce mardi 22 septembre, la commission particulière a publié le bilan du débat public Réseau Express Grand Lille (REGL) qui avait pris fin il y a deux mois, le 22 juillet 2015. La commission particulière du REGL avait prévenu : à l’issue d’une procédure de débat public intense de 4 mois (du 02 avril 2015 au 22 juillet 2015), elle n’allait pas émettre un avis. Un « ni oui, ni non » en quelque sorte qui se concentre sur les éléments constructifs du débat et la recherche de consensus.

La commission a mis en ligne trois documents :

- Un compte-rendu illustré de 100 pages qui constitue l’analyse approfondie du débat public. Ce document établit une triple cartographie : celle des acteurs, celle des arguments et celle des zones de consensus, de dissensus et d’interrogations ;

- Le bilan du débat signé par Christian Leyrit, Président de la Commission nationale du débat public (16 pages) ;

- Un recueil des « points de vue » (cahiers d’acteurs et contributions) dans un document unique de 326 pages.

Le compte-rendu ne fournit donc pas d’avis tranché sur le projet. Ce sera au maître d’ouvrage, la Région Nord-Pas-de-Calais, de décider des suites à donner à « son » projet : sa poursuite, éventuellement avec des modifications, ou son abandon. Dans les toutes dernières heures de l’institution régionale telle que nous la connaissons (fusion avec la Région Picardie en 2016) et à la veille d’élections à forte incertitude et à haut risque démocratique, le Réseau Express Grand Lille (REGL) sera courant octobre l’un des derniers gros dossiers que le Conseil Régional aura à trancher.

Que ce soit lors de la synthèse à chaud de Jacques Archimbaud lors de la réunion de clôture du 22/07/2015 ou avec ce rapport de la commission, cet « événement démocratique régional » a alimenté une réflexion approfondie sur les défis de la mobilité régionale. Et de ce point de vue, ce débat public est une grande réussite. A travers les différents documents publics à disposition, Lille Transport synthétise les principaux enseignements du débat.

Le projet décortiqué selon le niveau d’adhésion...

...ça passe

Selon les travaux de la commission « l’idée d’une infrastructure nouvelle ou de segments d’infrastructures nouvelles pour renforcer tout ou partie du lien entre Lille et le bassin minier » recueille « un assentiment assez fort ». Le rapport précise : « un nouveau segment allant au moins jusqu’à Libercourt et affecté au trafic voyageur constituerait une réponse adaptée ».

D’autres consensus sont apparus sur l’accès à Lille et à son métro qui doit s’effectuer par au moins deux points d’entrée. Le rôle potentiel d’une gare à Porte des Postes connectée aux deux lignes de métro, a souvent été évoqué lors du débat public.

...ça se discute

Ce qui se discute, ce sont les adaptations proposées par un certain nombre d’acteurs « en bout de projet REGL » pour se repositionner dans le projet : notamment le renforcement de 3 dessertes, vers Tournai, au-delà d’Armentières jusqu’à Hazebrouck et vers Cambrai et Arras (proposition arrageoise d’un tronçon REGL alternatif au sud d’Hénin-Beaumont). Il appartiendra au maître d’ouvrage de donner suite à ces conditions, sachant qu’un accord général modifierait substantiellement le projet … et son coût.

Les discussions portent aussi sur le positionnement de la desserte à Lesquin (aéroport ou gare TER ?) et des gares de Seclin et Carvin. Pour ces deux dernières, la concurrence avec les gares existantes de Seclin et Libercourt pose problème.

...ça casse

Des désaccords importants sont apparus au sujet :

- des gares de Hénin Sainte-Henriette avec le risque de déclassement des terrils au patrimoine mondial ;
- de l’hypothèse d’une nouvelle gare traversante et souterraine à Lille-Flandres ;
- des nouvelles nuisances en plus du TGV et de l’autoroute pour les secteurs de Seclin et Carvin.

Ajoutons également les inquiétudes sur « le modèle économique de l’exploitation et dans ce cadre la part des financements d’entreprises, de la région, du contribuable et de l’usager » ainsi que sur les « effets de l’arrivée du REGL sur toutes les autres parties du réseau ».

Plus on en profite, plus on est favorable ?

Logique. Plus on pense tirer profit de l’infrastructure, plus on va soutenir le projet. Cela se vérifie plutôt bien puisque c’est autour de l’épine dorsale, le lien ferroviaire Lille-Hénin, que les partisans du projet sont les plus mobilisés. Quand on s’éloigne, le soutien au projet devient conditionnel. Quant aux secteurs non concernés par le projet (Picardie, Valenciennes, Béthune, Tournai), c’est soit le silence-radio, soit la guerre frontale (pour rappel, le « coup de gueule » du bourgmestre de Tournai, Rudy Demotte)

- Les inconditionnels : les acteurs économiques et industriels ainsi que les institutions locales directement impactées : les maires bénéficiant de gares sur le tronçon central et les intercommunalités du Bassin Minier.

- Les soutiens conditionnels : les deux départements (Nord et Pas de Calais) et les institutions locales en bordure du projet : la Flandres inférieure (Hazebrouk, Bailleul et Pérenchies), Arras, Douais, Cambrai.

- Les vigilants : l’État, SNCF Réseau, les universités

- Les sceptiques et critiques : Amiens métropole et des groupes de réflexion, syndicats et associations

- Les opposants, partisans des solutions alternatives : des associations d’usagers (Vélo, LGV Nord), des frontaliers (Comines, Tournai), des partis politiques (EELV, PCF-Roubaix)

Reste une exception (qui confirme le REGL ?) concernant un territoire incontournable, celui du cœur de la métropole lilloise. Les acteurs lillois, pourtant directement concernés et dont le territoire est présenté comme le principal bénéficiaire, sont à des degrés divers assez sceptiques.

- La Métropole Européenne de Lille (MEL) semble soutenir le projet sans enthousiasme
- La maire de Lille, Madame Martine Aubry « estime que la ville de Lille n’a pas été suffisamment consultée et que les données fournies par le maître d’ouvrage à ce stade ne permettent pas de trancher ou de lever de fortes réticences ou inquiétudes »
- Le Syndicat Mixte du SCoT de Lille Métropole « se montre sceptique sur le principe de la gare souterraine »
- Des partis politiques, associations, syndicats à Roubaix et Tourcoing marquent leur attachement à l’amélioration du réseau existant plutôt qu’au projet REGL.

Des recommandations sur le fond et la forme...

...sur le fond : approfondir les scénarios

« La Commission attire l’attention du maître d’ouvrage et de ses partenaires sur l’intérêt qu’il y aurait à approfondir les modèles stratégiques complémentaires et/ou alternatifs au REGL dont a débattu la fabrique des propositions ». Comme nous l’avions déjà relevé, le débat public a manqué d’élément d’objectivation des positions parfois théoriques ou idéologiques (notamment sur la saturation de Lille-Flandres et du réseau TER). Par rapport à la traversée souterraine lilloise, SNCF-Réseau appelle à préciser la faisabilité technique et la commission interroge sur la demande de mobilité sur ces liaisons traversantes. Un appel à muscler l’argumentation en quelque sorte.

...sur la forme : co-construire davantage

« Le débat a fait apparaître une insuffisante coordination et un manque de dialogue des principaux décideurs pour ce type de projet » note le compte-rendu de la commission. Elle recommande ainsi un pilotage plus partenarial, « chacun ne pouvant pas seulement attendre de l’autre qu’il s’adapte à ses propres projets ». Cette co-construction sur le plan institutionnel se double d’un appel à la poursuite de l’information et de la concertation avec le grand public.

Au final, on ne peut pas faire comme s’il ne s’était rien passé. Le travail de la commission peut être le point de départ d’une importante mobilisation collective de tous les acteurs afin de répondre de façon ambitieuse aux enjeux de mobilité.


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